Écrit en collaboration avec Maxime Le Guenno

Existe-t-il une activité à laquelle l’être humain s’adonne autant et aussi régulièrement que le sommeil ? Pour la majorité d’entre nous, la réponse est négative. Et pourtant, force est de constater que nous ne sommes souvent pas assez éduqués sur l’importance du temps passé dans les bras de Morphée – tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

Quelques brèves recherches suffisent à prendre conscience de la relation entre le sommeil et la santé cardiovasculaire, la production hormonale, le système immunitaire, ainsi que du lien avec de multiples autres fonctions de l’organisme.

À partir de là, on voit bien qu’il est nécessaire de s’intéresser plus en détail au sommeil, à ses divers effets et influences… et les moyens à notre disposition pour l’optimiser !

Généralités sur le sommeil

Durée du sommeil par nuit : quelles recommandations ?

La Fondation Nationale du Sommeil américaine recommande une quantité de sommeil par nuit de :

Mais attention, ces données ne restent que des indications : les besoins en sommeil (en termes de durée) vont donc dépendre selon les personnes. De même, on remarque que ces mêmes besoins évoluent au fil du temps pour une même personne, et que les enfants et les adolescents nécessitent plus de sommeil que les adultes.

Cycle de sommeil : 2 étapes-clés

En conditions cliniques, une personne a besoin de 90 minutes pour traverser les étapes du sommeil constituant un cycle. Chaque cycle est composé de deux grandes étapes de sommeil : le sommeil NREM (Non-Rapid Eye Movement), puis le sommeil REM (Rapid-Eye Movement).

C’est lors du sommeil profond – 3ème phase NREM – que l’on récolte les bénéfices majeurs de restauration physique du sommeil, avec notamment la libération de Growth Hormone, dont on a besoin quotidiennement pour construire de nouvelles cellules, réparer les tissus et permettre au corps de récupérer de la journée passée. C’est aussi à ce moment-là que la consolidation de la mémoire se réaliserait. Dans l’idéal, le corps humain passe environ 20% de la nuit en sommeil profond.

Passons à présent au sommeil REM, ou sommeil paradoxal. Cette fois-ci, c’est l’esprit qui prend le dessus : la plupart des rêves se réalisent dans cette phase, qui aurait des effets bénéfiques sur la créativité. Le corps humain consacre aussi environ 20% de son temps nocturne à cette phase.

Chaque cycle est différent pendant la nuit. Le sommeil profond est plus important lors des premiers cycles, tandis que le sommeil REM est plus important lors des derniers cycles. Cependant, lors d’une période prolongée – plusieurs semaines, plusieurs mois, voire plusieurs années – avec un temps de sommeil raccourci, le cerveau va faire en sorte d’obtenir plus de sommeil REM lors des premiers cycles.

Besoins & risques hypniques

Le sommeil est vital pour le développement de l’enfant : le corps et l’esprit en ont besoin en quantité importante afin d’avoir une croissance correcte. Les adolescents eux aussi ont besoin de beaucoup de sommeil, notamment en raison de la libération de l’hormone de croissance (Growth Hormone) lors des phases de sommeil profond.

Le sommeil est tout autant essentiel pour les adultes : un homme qui dort régulièrement 4-5h par nuit possède un niveau de testostérone (indicateur critique de l’état de santé) correspondant à celui d’un homme âgé de dix années supplémentaires. Des perturbations de même ordre sont observées concernant la santé reproductrice des femmes, causées par un manque de sommeil.

De plus, la recherche scientifique a démontré que le sommeil possédait des liens avec :

Le lien entre un manque de sommeil et le risque de développement de cancer est tellement fort que WHO a classé toute forme de travail nocturne comme « Agent Cancérigène Probable », en raison d’une perturbation des rythmes d’éveil et de sommeil (sur lesquels nous reviendrons plus tard).

Bref, un sommeil trop court et de mauvaise qualité prédit toutes les causes de mortalité.

Difficultés contemporaines

Dans la société actuelle, de nombreuses personnes ont des nuits raccourcies en semaine, qu’elles essaient de compenser en augmentant les durées de sommeil le week-end. On parle alors de ‘’jetlag social’’ ou de ‘’boulimie de sommeil’’. Ce phénomène est associé à une moins bonne qualité de vie : les risques d’obésité et de diabète sont augmentés, la santé cardiovasculaire est amoindrie. De quoi démontrer l’importance d’avoir un sommeil régulier, tant en semaine que pendant le week-end.

À court terme, un manque de sommeil peut avoir des conséquences d’ampleurs différentes, allant d’une simple augmentation de la fatigue en journée à des incidents beaucoup plus sérieux, comme un relâchement inopportun lorsque l’on conduit par exemple.

Par-dessus le marché, il est parfois possible de rencontrer l’obstacle de trop se soucier de son sommeil. Dès que l’on commence à s’inquiéter et à trop se préoccuper du sommeil (par exemple, quand on rencontre des difficultés à s’endormir et que l’on commence à compter le nombre d’heures restantes avant le réveil), des hormones de stress telles que l’adrénaline et le cortisol vont être libérées – hormones qui augmentent la vigilance et l’état d’alerte.

Concevoir le sommeil en termes de cycles et non en termes d’heures – comme le préconise N. Littlehales, père du coaching hypnique, dans son ouvrage Sleep – permet de diminuer le stress et l’inquiétude liés au temps passé à dormir.

Considérer le sommeil dans une plus grande étendue de temps aide aussi à enlever un peu de pression. Vous ne parvenez pas toujours à tenir un rythme de sommeil régulier ? À dormir le nombre d’heures souhaitées au départ ? Détendez-vous : s’il est impossible pour le corps humain de rattraper de manière effective les heures de sommeil perdues, il est néanmoins relativement facile d’en rattraper les conséquences (fatigue, troubles de l’humeur…) lors des jours suivants.

Physiologie du sommeil

Les rythmes circadiens

Le cycle circadien correspond au cycle interne de 24 heures géré par notre horloge biologique. Cette horloge, située au fin fond du cerveau, régule nos systèmes internes tels que la température corporelle, les rythmes de sommeil et de repas, la production hormonale, l’état d’alerte, l’humeur ou encore la digestion. Notre horloge biologique est régulée par des indices externes, notamment la lumière du jour, la température, les horaires de repas, etc.

Ces rythmes sont encrés en nous. Ils correspondent à la façon dont le corps souhaite fonctionner naturellement. Avoir des horaires réguliers de coucher et de lever tout au long de la semaine va permettre au corps d’avoir des cycles circadiens réguliers, facilitant un fonctionnement optimal de ses différents systèmes.

Pour réguler le sommeil, utiliser une alarme peut s’avérer utile. Cependant, le réveil est un évènement stressant d’un point de vue cardiovasculaire : la fréquence cardiaque atteint un pic, et des produits chimiques liés au stress sont libérés dans le corps.

Il est donc essentiel de n’utiliser qu’une seule alarme pour se réveiller, au risque d’accumuler une quantité de stress cardiovasculaire considérable si de mauvaises habitudes venaient à être adoptées.

Mélatonine & lumière : quel rôle dans la régulation du sommeil ?

La mélatonine, l’hormone régulant le sommeil, est produite dans la glande pinéale, une zone du cerveau qui répond à la lumière. Une fois qu’il a fait nuit assez longtemps, on produit de la mélatonine pour se préparer au sommeil. Arrivé le matin, la sécrétion de mélatonine s’arrête car on passe de l’obscurité à la lumière.

La lumière du jour entraîne la production de sérotonine (un neurotransmetteur boostant l’humeur), dont la mélatonine est dérivée. La lumière est le régulateur le plus important pour notre horloge biologique, et il n’y a pas mieux que la lumière du jour le matin pour cet effet. Il faut donc chercher à s’y exposer dès le réveil.

Le saviez-vous ? L’être humain est particulièrement sensible à la lumière bleue.

La lumière du jour est ‘’remplie’’ de lumière bleue, que l’on peut qualifier de bonne et d’utile en journée : elle règle l’horloge biologique, supprime la production de mélatonine, et améliore l’état d’alerte ainsi que la performance.

Cependant, l’utilisation d’appareils électroniques ou de lumières vives dans la soirée perturbe fortement le sommeil. En effet, on observe une diminution du sommeil en raison d’une inhibition de la production de mélatonine, ainsi qu’un décalage de l’horloge biologique.

Un conseil : si vous vous exposez à la lumière artificielle d’écran tard la nuit, évitez d’aller vous coucher dans les 45 minutes qui suivent. En restant un peu éveillé, vous permettrez ainsi à la mélatonine d’être sécrétée… et d’optimiser vos chances de bien dormir !

Récupération

En accord avec les rythmes circadiens, il n’est pas rare de subir une baisse d’énergie dans l’après-midi, quand la fatigue commence à faire son apparition : on parle ici de « période post-prandiale ». Cette période naturelle de récupération – entre 13h et 15h pour la plupart des gens, légèrement plus tard pour d’autres – constitue la fenêtre naturelle la plus efficace pour rattraper un cycle perdu la nuit précédente, ou se préparer en prévision d’une soirée plus tardive.

Cette fenêtre représente une opportunité parfaite pour intégrer un cycle complet de 90 minutes ou un repos de 30 minutes maximum, en fonction du besoin et des ressentis. Plusieurs études ont montré que des siestes, même très courtes, possèdent le potentiel pour optimiser le processus de mémoire et améliorer la performance, l’état d’alerte et l’humeur. Juste après une sieste, il est recommandé de s’exposer à la lumière du jour afin d’éliminer toute forme d’inertie de sommeil (sensation de léthargie, de désorientation…).

Vous travaillez à domicile ? Privilégiez un canapé ou un fauteuil pour cette période de récupération, et gardez le lit pour la nuit ou pour un cycle entier de 90 minutes l’après-midi.

Concernant les siestes légères, l’objectif est moins d’entrer dans un état de sommeil que d’utiliser cette période pour fermer les yeux et se déconnecter du monde extérieur pendant quelques temps. Certains outils peuvent aider à cela : méditation, pleine conscience, exercices de respiration…

Pour les personnes n’ayant pas d’opportunité de repos en milieu de journée, un autre créneau est envisageable vers 17-19h (voire plus tard pour certains). Cette période peut être utilisée pour une période de repos de 30 minutes si la fenêtre de milieu de journée a été manquée. Cependant, un cycle complet de 90 minutes est déconseillé, le risque d’interférer avec le sommeil nocturne étant élevé.

Si vous n’avez aucune opportunité de vous reposer l’après-midi, essayez d’organiser votre journée de façon à réaliser les tâches les moins exigeantes autour de cette période – surtout les tâches impliquant de sortir dehors. La lumière du jour est un allié considérable lorsqu’il s’agit d’avoir un boost : essayez de vous y exposer lors de la pause déjeuner.

Attention : ces périodes de repos ne remplacent pas le sommeil nocturne sur le long terme. Malgré tout, elles peuvent être utilisées en harmonie avec les rythmes corporels afin d’augmenter le nombre de cycles de sommeil par semaine, renforcer la récupération et aider à conserver humeur et productivité.

3 chronotypes différents

Le chronotype est un trait génétique décrivant les caractéristiques du sommeil – c’est-à-dire si on est plutôt « du soir » ou « du matin ». Cela indique les horaires auxquels le corps souhaite réaliser les différentes étapes des rythmes circadiens.

Chaque personne possède ses propres rythmes : si on est « du matin », l’horloge biologique est un peu rapide ; si on est « du soir », cette horloge est lente. Selon les chronotypes, les rythmes circadiens varient de 5 à 6 heures maximum. Mais alors, comment savoir si on est plutôt « du soir » ou « du matin » ?

En général, une personne « du soir »

Les personnes dites « du soir » sont génétiquement prédisposées à rester éveillées plus tard, mais ont généralement plus de difficultés à suivre le rythme le matin. En ce sens, la lumière du jour constitue leur meilleur allié pour fonctionner le plus efficacement possible lors de la première partie de la journée.

A contrario, une personne « du matin »

Et sinon ? Il existe une troisième catégorie de chronotype, une sorte de mix des 2 autres chronotypes précédemment cités. La plupart de la population vit de cette manière, sans prendre compte de son chronotype réel. On tend à masquer son chronotype, en utilisant des alarmes et des stimulants (caféine et sucre).

En résumé…

Si vous êtes « du matin »

Essayez de planifier les tâches exigeant un plus grand état d’alerte pendant la matinée – lorsque vous êtes au mieux physiologiquement et physiquement. Réservez l’après-midi aux tâches exigeant un moindre niveau de vigilance et d’alerte.

Si vous êtes « du soir »

Inversez les rythmes en effectuant les tâches exigeantes au niveau de l’attention l’après-midi, et les tâches plus accommodantes le matin. En outre, essayez tant que possible de ne pas vous coucher trop tard le week-end, au risque de rediriger votre horloge biologique vers son naturel.

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